
La nappe des grès du Trias inférieur (GTi)
La nappe des grès du Trias inférieur est la principale ressource en eau potable de la partie est de la Lorraine.
Les descriptions hydrogéologiques de la nappe des grès du Trias inférieur sont consultables dans les articles dédiés ci-dessous.
Le réservoir aquifère des grès du Trias inférieur en Lorraine
Les
grès
du Trias inférieur correspondent aux trois masses d’eau souterraine du «
Grès
du Trias inférieur au sud de la faille de Vittel » (code FRCG104), du «
Grès
du Trias inférieur au nord de la faille de Vittel » (code FRCG105) et du «
Grès
du Trias inférieur du
bassin
houiller lorrain» (code FRCG118) et au grand système
aquifère
143AK du «
Grès
du Trias inférieur du
Bassin
Parisien » du référentiel hydrogéologique
BDLISA
.
Dans l’ancienne version 1 du référentiel hydrogéologique français (BD RHFV1) et dans l’Atlas hydrogéologique du
bassin
Rhin-Meuse (2002) de l’Agence de l’eau Rhin-Meuse, les
grès
du Trias inférieur étaient référencés avec le code 210.
Caractéristiques géologiques
Le réservoir des grès du Trias inférieur (GTi) en Lorraine et dans les Vosges du Nord est constitué de grès plus ou moins fins, avec quelques passées argileuses dans sa partie supérieure, des passées conglomératiques en son centre et à sa base, et des lentilles d’ argile dans sa partie inférieure.
Du point de vue stratigraphique, les grès du Buntsandstein (Trias inférieur) s’intercalent entre les terrains sous-jacents de la fin de l’ère Primaire (selon les secteurs : Permien, socle cristallin ou métamorphique, ou terrain houiller) et le Trias moyen (Muschelkalk) sus-jacent.
De la base au sommet du Buntsandstein, on observe :
- le Grès d’Annweiler, constitué d’une alternance de petits lits d’ argile et de banc de grès : il est présent dans les Vosges mais disparaît très rapidement vers l’ouest ;
- le Grès vosgien, constitué de grès grossier à très fins à stratification entrecroisée et à ciment ferrugineux : la partie inférieure de ce grès est probablement plus compacte que la partie supérieure, il passe à un faciès conglomératique à sa base (Conglomérat inférieur) et à son sommet (Conglomérat principal) ;
- les Couches intermédiaires, en majeure partie constituées d’une alternance de grès feldspathiques grossiers et de lits d’ argile : à la base et au sommet, on observe des bancs de brèches dolomitiques ;
- le Grès à Voltzia, à grain très fin ( grès à meules), argileux vers le sommet (alternance de grès et d’ argile ), auquel on associe le Grès coquillier lorsqu’il est présent.
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Log stratigraphique synthétique des grès du Trias inférieur en Lorraine ( BRGM - Cartannaz et al., 2010).
BRGM
- Log stratigraphique synthétique des grès du Trias inférieur en Lorraine ( BRGM - Cartannaz et al., 2010).
Caractéristiques géométriques et hydrogéologiques
En Lorraine, le réservoir des grès du Trias inférieur est constitué de deux compartiments distincts : une partie essentiellement captive sous couverture de terrains imperméables, et une partie essentiellement libre.
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Carte hydrogéologique de la nappe des grès du Trias inférieur et du modèle régional version 2012 ( BRGM )
BRGM
- Carte hydrogéologique de la nappe des grès du Trias inférieur et du modèle régional version 2012 ( BRGM )
Le substratum imperméable du réservoir est constitué, suivant les secteurs, par les grès argileux permiens ou directement par le socle.
Sur la majeure partie du territoire lorrain, le réservoir est sous recouvrement de terrains imperméables et il est majoritairement captif. Le toit du réservoir est dans ce cas constitué par les marnes du Muschelkalk moyen et inférieur qui sont situées au-dessus du Grès coquillier. Au contraire, le long des Vosges et dans le bassin houiller, la nappe est essentiellement libre, c’est-à-dire qu’elle reçoit directement les infiltrations d’eau de pluie, car les grès affleurent sur le sol.
Notons que le réservoir s’étend aussi largement en Allemagne (Länder de Sarre et de Rhénanie-Palatinat), essentiellement en affleurements drainés par les cours d’eau, et sous le Luxembourg, essentiellement en nappe captive drainée par la Moselle vers Trèves. Enfin, les GTi s’étendent sous tout le fossé rhénan, en Forêt-Noire, et au-delà en Allemagne, mais ces réservoirs sont indépendants de celui de la Lorraine.
Le réservoir des grès du Trias inférieur s’enfonce progressivement d’est en ouest, de plus de 600 m d’altitude dans les Vosges gréseuses à plus de 2500 m de profondeur vers le centre du bassin parisien. L’épaisseur globale du réservoir décroît de l’Est vers l’Ouest et le Sud. De plus de 500 mètres dans les Vosges du Nord, elle se réduit à 200 m vers Toul et Épinal, à 100 mètres vers Bar-le-Duc et Vittel, puis le réservoir se biseaute vers l’Ouest et le Sud-Ouest. L’extension occidentale du réservoir sous le Bassin parisien est mal connue car seuls quelques forages d’exploration pétrolière ont atteint ces profondeurs.
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Coupe hydrogéologique schématique dans le bassin Rhin-Meuse (d’après Ramon et al., AERM , 1992)
AERM
- Coupe hydrogéologique schématique dans le bassin Rhin-Meuse (d’après Ramon et al., AERM , 1992)
Anciennes mines de charbon sous la nappe des GTi dans le bassin houiller lorrain
Une particularité importante du réservoir est la présence d’anciennes exploitations minières de charbon sous la nappe des GTi, dans le bassin houiller lorrain. Ce bassin est situé à l’extrême nord de la nappe , dans l’Est du département de la Moselle, dans un triangle formé par les villes de Faulquemont, Creutzwald et Stiring-Wendel.
Un total de 58 puits miniers a été foncé à partir de la fin du 19ème siècle. Ces ouvrages sont répartis sur une quinzaine de communes, avec une concentration maximale sur les communes de Freyming-Merlebach, Petite-Rosselle, Forbach et Stiring-Wendel. La zone minière française déborde par ailleurs en Allemagne avec la présence de deux puits sur le territoire de la Sarre (secteur du Warndt). Alors qu’en Sarre le gisement houiller se trouve à faible profondeur, côté français celui-ci s’enfonce progressivement sous les « morts-terrains », constitués essentiellement dans le bassin houiller exploité par les conglomérats du Permien supérieur, les grès du Trias inférieur, et enfin les marnes et les calcaires du Trias. Le charbon a été exploité jusqu’à une profondeur d’environ 1300 mètres sous le sol.
Bibliographie
- Babot Y., Mangold C., Simler L. (1972) – Étude hydrogéologique de la nappe aquifère des grès infratriasiques dans le nord-est de la France. Rapport BRGM/72-SGN-047-SGAL. 63 p., 6 ann. ht.
- Noël Y. (1997) - Modèle de gestion de la nappe des grès du Trias inférieur en Lorraine. Phase 1 : acquisition des données. Rapport BRGM/RR-39228-FR. 217 p. 2 vol., 6 pht.
- Vaute L., Gigleux S., Nguyen-Thé D. (2007) – Eaux souterraines du département des Vosges : caractérisation des principales ressources exploitables et révision du modèle de gestion de la nappe des grès du Trias inférieur. Rapport BRGM/RP-55653-FR, 145 p., 62 fig., 9 tabl., 3 ann.
- Vaute L., Innocent C., Fourniguet G. (2013) – Actualisation du modèle hydrogéologique de la nappe des grès du Trias en Lorraine. Rapport BRGM/RP-62405-FR, 56 p., 20 fig, 4 tabl.
Le régime de la nappe des grès du Trias inférieur
Les zones d’alimentation de la nappe
Les zones d’alimentation de la nappe des GTi en Lorraine sont constituées par les affleurements des grès dans les Vosges, de Wissembourg à Monthureux-sur-Saône, et dans la région du bassin houiller entre Saint-Avold et Forbach (Babot et al., 1972).
L’alimentation de la
nappe
captive par les affleurements des
grès
situés dans les Vosges au sud de Vittel – Contrexéville est un cas particulier : le débit d’alimentation de la
nappe
captive est limité dans ce secteur en raison de la faible surface d’affleurements disponibles à l’infiltration (85 km2), et surtout en raison de la prépondérance des écoulements souterrains et de surface à contre-pendage du mur de l’
aquifère
.
La
nappe
captive des GTi est drainée naturellement par les cours d’eau sur ses limites nord et nord-est, dont la Moselle à Sierck-les-Bains ainsi que la Sarre et ses affluents.
Surface piézométrique de la nappe des GTi
L’état initial non perturbé de la surface piézométrique n’est pas connu, car l’exploitation de la nappe existe depuis le début du 20ème siècle dans le bassin houiller. D’autre part, la plupart des points d’accès sont des forages d’exploitation, et les mesures sont souvent asynchrones. Enfin, la piézométrie varie avec la profondeur : les mesures que l’on effectue dans des forages voisins captant soit la partie supérieure, soit la partie inférieure des GTi ne sont pas directement comparables et ces différences peuvent atteindre plusieurs mètres. Il résulte de tout ceci que la surface piézométrique de la nappe ne peut pas être connue très précisément, mais à quelques mètres près seulement.
L’écoulement général de la nappe s’effectue du Sud vers le Nord (des Vosges vers la Sarre) et du Sud-Ouest vers le Nord-Est (de la Meuse vers le nord de la Moselle). À l’échelle de la nappe , le gradient hydraulique varie fortement : il est de l’ordre de 5.10-3 à 2.10-2 dans la partie libre, suivant le drainage des rivières ou en fonction de l’ exhaure , et de l’ordre de 3.10-4 à 1.10-3 en partie captive.
Dans les secteurs faillés, certains auteurs (Babot et al., 1972) ont fait l’hypothèse que la communication entre les GTi et les calcaires du Muschelkalk sus-jacents était possible. Dans ce cas, il pourrait se développer, selon les secteurs, des échanges d’eau limités descendants ou ascendants entre la nappe des GTi et la nappe des calcaires.
Au niveau régional, plusieurs failles importantes sur le plan hydrogéologique doivent être signalées : les failles de Longeville-Hombourg (dite aussi faille de Faulquemont) et de Saint-Nicolas dans le bassin houiller, et la faille de Vittel au nord de Vittel – Contrexéville. Ces failles sont étanches ou peu perméables sur une partie de leur tracé, ce qui est démontré par l’existence d’importantes différences de niveaux piézométriques et l’évolution différente des niveaux piézométriques dans chaque compartiment de part et d’autre des failles.

Carte piézométrique de la nappe des GTi en 2010 ( Nguyen-Thé D. and al., BRGM )
BRGM
Bibliographie
- Babot Y., Mangold C., Simler L. (1972) – Étude hydrogéologique de la nappe aquifère des grès infratriasiques dans le nord-est de la France. Rapport BRGM/72-SGN-047-SGAL. 63 p., 6 ann. ht.
- Nguyen-Thé D., Ollagnier S., Pétrignet M. (2010) - Carte piézométrique de la nappe des grès du Trias inférieur en 2010. Rapport BRGM/RP-59294-FR.
- Noël Y. (1997) - Modèle de gestion de la nappe des grès du Trias inférieur en Lorraine. Phase 1 : acquisition des données. Rapport BRGM/RR-39228-FR. 217 p. 2 vol., 6 pht.
- Vaute L., Gigleux S., Nguyen-Thé D. (2007) – Eaux souterraines du département des Vosges : caractérisation des principales ressources exploitables et révision du modèle de gestion de la nappe des grès du Trias inférieur. Rapport BRGM/RP-55653-FR, 145 p., 62 fig., 9 tabl., 3 ann.
- Vaute L., Innocent C., Fourniguet G. (2013) – Actualisation du modèle hydrogéologique de la nappe des grès du Trias en Lorraine. Rapport BRGM/RP-62405-FR, 56 p., 20 fig, 4 tabl.
Caractéristiques chimiques et hydrodynamiques de la nappe des grès du Trias inférieur
La qualité des eaux
La minéralisation de l’eau du réservoir augmente à mesure que l’on s’éloigne des affleurements et que l’on s’enfonce en profondeur. À l’
affleurement
, l’eau est très peu minéralisée et agressive : son résidu sec est de 10 à 100 mg/l dans les Vosges gréseuses et de 200 à 400 mg/l en Sarre.
Sous couverture, on observe des concentrations en NaCl de 10 g/l à Toul, 200 g/l vers Bar-le-Duc et 300 g/l vers Saint-Dizier. La ligne d’iso-concentration à 1 g/l est orientée sensiblement nord-sud selon un axe « ouest du
bassin
houiller – Metz – Nancy – Vittel ». Une large « bulle » salée est aussi connue en Moselle, sous le
bassin
de la Sarre en aval de Sarrebourg et à l’
interfluve
Sarre-Sânon.
La température de l’eau varie entre 12-15 °C sur et à proximité des affleurements, à 35-40°C dans le sillon mosellan et entre 60-70 °C dans le Barrois.
Les âges de l’ aquifère captif
La datation par le carbone 14 et l’analyse isotopique de l’eau d’une quarantaine de forages a permis de déterminer les âges de l’ aquifère captif des grès du Trias inférieur en Lorraine. Les âges varient de 3 000 à plus de 30 000 ans, et induisent des vitesses d’écoulement allant de 0,5 à 25 m par an. Les eaux les plus anciennes correspondent à celles qui possèdent les teneurs en isotopes stables les plus appauvries, et témoignent d’une recharge sous un climat plus froid. Les eaux plus récentes montrent des teneurs en isotopes stables proches de celles des précipitations actuelles, dans la région.
Paramètres hydrodynamiques
L’ aquifère des grès du Trias inférieur constitue un grand réservoir du fait, d’une part, de son extension et de son épaisseur et, d’autre part, de sa perméabilité de milieu poreux et de sa fracturation. La perméabilité des grès dans la masse est faible, mais elle est renforcée par les fissures : la productivité d’un forage dépend essentiellement du degré de fissuration des grès . La productivité des forages est le plus souvent dans la gamme de 30 à 150 m3/h. Leur profondeur est le plus souvent de 20 à 200 mètres en affleurement , et de 300 à 600 mètres en nappe captive.
Dans le cadre de la réalisation d’un modèle hydrodynamique régional monocouche de la nappe des GTi, une étude des paramètres hydrodynamiques du réservoir a été réalisée en 1997 (Noël, 1997), grâce au dépouillement des données disponibles dans différentes études et dans la banque de données du sous-sol ( BSS ) du BRGM . La perméabilité moyenne du réservoir, calculée d’après les essais de pompage ou à partir des données de débit spécifique, est de 2,7.10-5 m/s pour l’ensemble des 319 mesures disponibles, avec le détail suivant :
- 4,3.10-5 m/s pour les forages situés en partie libre vosgienne (40 mesures),
- 3,3.10-5 m/s pour les forages situés en partie libre dans le Bassin houiller (123 mesures),
- 1,8.10-5 m/s pour les forages situés en partie captive (156 mesures).
Ces statistiques ne portent que sur la partie exploitée de la nappe des GTi, à l’est de la ligne d’iso-concentration à 1g/l.
Selon Babot et al. (1972), « il apparaît que le plus souvent, les 50 à 100 premiers mètres de Grès vosgiens situés immédiatement sous le Conglomérat principal sont plus perméables que les strates inférieures, avec de fortes venues d’eau juste sous le Conglomérat. Néanmoins, les Grès vosgiens inférieurs, bien que moins perméables, n’en sont pas moins aquifères et participent de l’ensemble de la nappe des GTi. Les Grès bigarrés supérieurs ( Grès à Voltzia + Couches intermédiaires) sont très rarement exploités seuls et une estimation de leur perméabilité est de ce fait difficile. »
Les données de coefficient d’ emmagasinement issues d’essais de pompage sont beaucoup plus rares : on dispose de seulement 6 mesures pour la nappe des GTi sous couverture, dont 5 dans la région de Vittel-Contrexéville (1.10-4 à 1,6.10-4 ; moyenne de 1,5.10-4), et une à Tomblaine (près de Nancy, forage de 708 m de profondeur ; 0,9.10-4). On retiendra donc un ordre de grandeur de 1.10-4 pour ce paramètre.
Bibliographie
- Allemmoz.M. (1983) - Qualité des eaux de la nappe des grès du Trias inférieur dans le département de la Moselle. Interprétation et cartographie. Rapport BRGM/83-SGN-012-LOR. 14 p. 10 pht.
- Babot Y., Mangold C., Simler L. (1972) – Étude hydrogéologique de la nappe aquifère des grès infratriasiques dans le nord-est de la France. Rapport BRGM/72-SGN-047-SGAL. 63 p., 6 ann. ht.
- Babot.Y., Chevalier.J. (1991) - Étude de la délimitation des zones salées de la nappe des grès du Trias inférieur dans l’est mosellan par modélisation hydrochimique. Rapport BRGM/RR-32004-FR. 38 p. 20 pht., 18 cartes.
- Babot Y., Jacquot N., Pollet B. (1993) - Cartographie de la qualité des eaux souterraines du bassin Rhin-Meuse 1990-1992. Rapport BRGM /R-37009-FR.
- Maïaux C. (2006) - Aquifères et eaux souterraines en France, Ouvrage collectif sous la direction de Jean-Claude Roux, BRGM Éditions, 2006. Tome 1. pages 304 à 305.
- Noël Y. (1997) - Modèle de gestion de la nappe des grès du Trias inférieur en Lorraine. Phase 1 : acquisition des données. Rapport BRGM/RR-39228-FR. 217 p. 2 vol., 6 pht.
- Passavy J. , Salado J. (1980) - Nappe des grès du Trias inférieur. Étude de la salinité des eaux dans le département de la Moselle. Rapport DIREN Lorraine SRAEL-DES-1980-134. 25 p.
- Vaute L., Gigleux S., Nguyen-Thé D. (2007) – Eaux souterraines du département des Vosges : caractérisation des principales ressources exploitables et révision du modèle de gestion de la nappe des grès du Trias inférieur. Rapport BRGM/RP-55653-FR, 145 p., 62 fig., 9 tabl., 3 ann.
- Vaute L., Innocent C., Fourniguet G. (2013) – Actualisation du modèle hydrogéologique de la nappe des grès du Trias en Lorraine. Rapport BRGM/RP-62405-FR, 56 p., 20 fig, 4 tabl.
Caractéristiques géochimiques et isotopiques de la nappe des grès du Trias inférieur
La géochimie isotopique pourquoi faire ?
La géochimie est une discipline associée à la géologie qui a comme but d’étudier la répartition et le comportement des éléments chimiques présents dans l’environnement (roches, eaux, gaz).
La géochimie isotopique appliquée aux eaux souterraines est la branche de la géochimie qui exploite les isotopes, dont les teneurs évoluent en fonction des conditions environnementales et des perturbations anthropiques, pour comprendre l’origine des eaux et la nature des réactions chimiques, identifier les mélanges et caractériser les échanges ou les processus mis en jeu.
Qu’est-ce qu’un isotope ?
Tout élément chimique présent dans l’environnement, qu’il soit solide, liquide ou gazeux, est composé d’atomes eux-mêmes constitués de particules du type :
• protons, chargés positivement • neutrons, non chargés |
⇒ les protons et les neutrons composent le noyau |
• électrons, chargés négativement | ⇒ les électrons, gravitent autour du noyau |
Les isotopes sont des atomes qui possèdent le même nombre d’électrons et de protons mais un nombre différent de neutrons. Les isotopes d’un même élément ont des propriétés chimiques identiques mais des propriétés physiques différentes. On distingue les isotopes stables qui n’ont pas de radioactivité décelable et les isotopes instables (isotopes radioactifs ou radionucléides) dont la concentration diminue au fil du temps (désintégration avec émission de rayonnements pour se transformer à terme en isotopes stables).
Il existe un grand nombre d’isotopes différents, et leur quantité varie pour chaque élément chimique. Certains éléments n’ont qu’un seul isotope stable, tandis que d’autres en ont plusieurs. Par exemple, l’hydrogène a trois isotopes connus : le protium, le deutérium et le tritium. Le protium est l’isotope le plus abondant et représente environ 99,98 % de l’hydrogène naturel, le deutérium représente environ 0,02 % et le tritium est présent en quantités extrêmement faibles et est principalement produit artificiellement.
Les différents processus physiques, chimiques voir climatiques affectant les eaux provoquent des appauvrissements ou des enrichissements relatifs en isotopes rares. La grandeur utilisée pour caractériser les eaux souterraines est donc la mesure d’un rapport isotopique (exprimé en pourcentage ou en partie par million - ppm) qui indique la proportion relative des isotopes d’un élément chimique dans un échantillon donné. L’interprétation pour les isotopes stables est ainsi fondée sur la valeur des écarts à un standard (δ ‰).
Applications en hydrogéologie
Les isotopes stables de l’eau, tels que deutérium (2H) et d’oxygène-18 (18O), constituent des indicateurs naturels du cycle de l’eau et permettent d’évaluer l’altitude moyenne des aires de recharge des
nappes
d’eau souterraines par les précipitations. Les précipitations sont en effet caractérisées par une signature isotopique, qui diffère en fonction de la région, de l’altitude et de la saison.
Les isotopes radioactifs naturellement présents dans l’eau, comme le tritium (3H), le carbone 14 (14C) et les radio-isotopes de gaz rares, sont utilisés pour estimer l’âge des eaux souterraines. On parle aussi de temps de résidence c’est-à-dire le temps nécessaire à une goutte d’eau pour passer de la zone d’infiltration à la surface du sol à l’exutoire de la
nappe
(exutoire naturel de type source ou artificiel dans le cas de pompage sur un
forage
). Le temps de résidence varie en fonction de la structure du réservoir
aquifère
(caractéristiques géologiques et hydrodynamiques et profondeur de la
nappe
).
La datation des eaux souterraines est un bon moyen d’apprécier la vulnérabilité de la
nappe
vis-à-vis des pollutions ou de l’impact du changement climatique. En effet plus une eau est « ancienne » plus le débit d’écoulement dans la
nappe
est faible et la recharge lente (distance à la zone de recharge importante). La vulnérabilité de ce type de
nappe
réside essentiellement dans la surexploitation (volume exploité supérieur au volume de recharge). A contrario plus une eau est « jeune » plus la recharge s’effectue rapidement (distance à la zone de recharge réduite) et plus elle est vulnérable au risque de pollution et de sécheresse (changements climatiques).
- Le Tritium permet d’évaluer l’âge des eaux souterraines récemment réalimentées (moins de 60 ans). Le tritium est produit naturellement dans l’atmosphère (teneurs naturelles aux alentours de 5 UT) mais les teneurs dans les précipitations ont augmenté à partir de 1952, suite aux essais thermonucléaires aériens (pic en 1963 à 2500 unité tritium - UT) puis diminué jusqu’en 1980 (50 UT). Depuis lors les installations nucléaires civiles continuent d’influencer les teneurs en tritium (10 à 30 UT).
- Le Carbone 14 est utilisé pour des temps de résidences compris entre quelques centaines d’années et 50 000 ans.
- Les isotopes de l’Uranium (234U/238U) permettent d’accéder à des temps de résidence très anciens, au-delà de la gamme pouvant être investiguée par le carbone 14.
- Les mesures de gaz rares dissous dans l’eau, tels que l’Hélium (He), le Néon (Ne), l’Argon (Ar), le Krypton (Kr) ou le Xénon (Xe), permettent d’estimer des temps de résidence jusqu’à un million d’années et de retrouver les températures des molécules d’eau au moment de leur infiltration. Les gaz rares sont considérés comme de très bons traceurs en hydrogéologie et présentent l’avantage d’être peu sensibles à leur environnement proche (grande inertie chimique). Ils n’interviennent ainsi dans aucun processus chimique, ni aucune activité biologique. Les gaz rares dissous dans les eaux souterraines ont une origine essentiellement atmosphérique et leurs concentrations en solution sont fonction des conditions physiques qui régnaient dans la zone de recharge pendant toute la période d’infiltration des eaux (température, pression qui varie avec l’altitude, salinité de l’eau). Ils offrent ainsi la possibilité d’en déduire des informations importantes sur le climat contemporain de l’infiltration.
Application à la nappe des GTI
La première étude isotopique sur le bassin de Vittel
La première étude hydrogéologique de la nappe des grès du Trias inférieur ayant recourt aux « nouvelles » techniques isotopiques s’est intéressée au bassin hydrominéral de Vittel (Bosch et Marcé, 1974). En juillet 1972, les premières analyses isotopiques en hydrogène, oxygène et soufre ont pour but, en complément des études hydrogéologiques classiques menées sur le secteur par G. Minoux, de définir le temps de réalimentation des différentes sources et de préciser la localisation des horizons minéralisateurs (sulfates).
Des besoins d’élargir les recherches à l’ensemble de l’ aquifère
Les recherches se sont poursuivies à l’échelle régionale sur la
nappe
des
grès
du Trias inférieur en Lorraine, avec la réalisation d’une nouvelle étude menée à partir de 1978 par les géochimistes Bernard Blavoux et Philippe Olive (1979 & 1981) du Centre de Recherche Géodynamiques de Thonon-les-Bains (Université Paris VI Pierre et Marie Curie) suite aux sollicitations de l’Agence Financière de
Bassin
Rhin-Meuse (actuelle
AERM
) et du Service Régional d’Aménagement des Eaux de Lorraine (actuelle
DREAL
Grand-Est).
Elle avait pour objectif la vérification du schéma hydrogéologique élaboré lors des précédentes études sur la
nappe
des GTI, notamment :
- Le fonctionnement général et les sens d’écoulement,
- Les vitesses d’écoulement en nappe captive,
- La répartition des zones salées de la nappe ,
- L’effet sur la nappe captive des exploitations intensives pratiquées dans le bassin houiller et dans d’autres secteurs dont celui de Vittel-Contrexéville.
Les analyses isotopiques des eaux souterraines ont porté sur 33 forages captant les « grès vosgiens » et choisis par les demandeurs. En conclusion, il est précisé que « l’étude entreprise a permis de vérifier et de préciser la plupart des hypothèses émises antérieurement à savoir :
- Les eaux de la nappe captive des grès vosgiens sont très anciennes sauf immédiatement en bordure de la mise sous couverture. Leur âge varie de 1 000 à plus de 30 000 ans correspondant à des vitesses d’écoulement de 0,5 à 25 m par an ;
- Les isochrones sont en bonne concordance avec les écoulements déduits de La piézométrie. On observe notamment que les zones d’eau salée sont des zones d’eau morte ou, tout au moins, d’écoulements ralentis ;
- Il semble exister à la bordure sud du bassin houiller des mélanges d’eaux d’âges différents qui rendent l’interprétation hydrogéologique difficile ;
- Du point de vue de l’exploitation des eaux potables on vérifie la parfaite protection de la qualité de ces eaux souterraines vis à vis de la pollution de surface. »
-
Carte de localisation des points de prélèvement . Extrait de Blavoux et Olive, 1981.
Blavoux B., Olive Ph. (1981)
- Carte de localisation des points de prélèvement . Extrait de Blavoux et Olive, 1981.
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De nouvelles pistes prometteuses : les gaz rares
En 2000, Sarah Dewonck a soutenu une thèse réalisée sous la direction de Bernard Marty (CRPG Vandœuvre-lès-Nancy) ayant pour sujet la « Géochimie isotopique des gaz rares dans les roches sédimentaires et les eaux souterraines de l’est du
bassin
parisien : contribution aux transferts massiques intrabassinaux ». Le travail réalisé (Dewonck, 2000 ; Marty et al., 2003) s’intéresse pour partie aux circulations hydrodynamiques dans les aquifères profonds de l’Est du
Bassin
parisien et en particulier à la signature géochimique des
Grès
du Trias inférieur (origine des eaux, mélanges, temps de résidence). Des prélèvements ont été réalisés sur 19 forages captant les GTI localisés dans les départements des Vosges (6 points dans le secteur Mirecourt-Vittel) et de la Meurthe-et-Moselle (13 points dans le secteur Nancy-Baccarat).
La géochimie isotopique des gaz rares, couplée à l’étude des isotopes stables de l’eau et à l’activité carbone 14, a permis de préciser les caractéristiques hydrodynamiques des eaux souterraines notamment celle des GTI et de contraindre l’époque de recharge, les vitesses de circulation, les temps de résidence, l’origine des fluides, les mélanges éventuels ou encore les flux sous-jacents injectés dans les différentes formations sédimentaires :
« Le signal isotopique des eaux triasiques permet de déconvoluer la signature de trois composantes : atmosphérique, radiogénique et mantellique. La production radiogénique in situ dans le Trias ne permettant pas d’expliquer les concentrations en Hélium élevées mesurées, un flux exogène issu du socle, de l’ordre de 10-5 mol/m2, est supposé entrer à la base de cet
aquifère
. Les rapports isotopiques de l’Hélium montrent clairement la contribution de 3He mantellique. Ainsi, des fluides d’origine magmatique sont injectés dans le Trias par l’intermédiaire de transferts convectifs de grande ampleur à l’échelle de la croûte. Ces eaux se sont rechargées durant une période climatique froide, il y a environ 30 000 ans. Les paléo-températures de recharge et les âges 14C sont en accord, puisqu’ils définissent une courbe climatique similaire à celles de la littérature. Les vitesses de circulation sont en moyenne de 2.5 m/an, mais elles peuvent chuter à 1.2 m/an au niveau de la faille de Vittel, qui semble jouer un rôle de frein dans ces écoulements ».
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Carte de localisation et coupe géologique sur la partie Est du bassin parisien. Extrait de Marty et al., 2003. Les points de prélèvement correspondant aux GTI sont numérotés de 1 à 19.
Marty et al., 2003
- Carte de localisation et coupe géologique sur la partie Est du bassin parisien. Extrait de Marty et al., 2003. Les points de prélèvement correspondant aux GTI sont numérotés de 1 à 19.
Vers une meilleure prise en compte des éléments traces
En juin-juillet 2001, l’ aquifère des grès triasiques lorrains (LTSA), a fait l’objet d’un nouvel échantillonnage avec production de nouvelles données géochimiques inorganiques incluant des éléments traces (Celle-Jeanton et al., 2009). Les résultats acquis sur les 17 points choisis (5 en Meurthe-et-Moselle et 12 en Moselle) permettent d’améliorer la connaissance des conditions de base et du fonctionnement hydrochimique de l’ aquifère des GTI : « La bonne corrélation entre les activités à ¹⁴C, la température et la profondeur le long de la ligne d’écoulement principale indique des tendances régulières vers le bas et une possible stratification de l’eau. Des traceurs non réactifs, principalement des rapports isotopiques stables ¹⁸O et ²H, ainsi que des isotopes du carbone, sont utilisés pour définir une échelle de temps pour l’ aquifère , montrant deux groupes d’eaux souterraines, à savoir d’âge moderne et holocène, et d’âge pléistocène supérieur, avec une zone de mélange. La qualité de base est alors représentée par une large gamme de concentrations, principalement le résultat d’une interaction eau-roche dépendant du temps, comme déjà observé ailleurs dans les aquifères de grès du Trias. Certains oligoéléments comme Lithium (Li), Rubidium (Rb), Césium (Cs), qui ne sont pas limités par des contraintes de solubilité, présentent des tendances linéaires. Lors d’un écoulement saturé en aval, la chimie est également spécifiquement caractérisée par une augmentation régulière du sodium et des chlorures (et localement des sulfates) suite à la dissolution des évaporites liée aux limites sus-jacentes ou au socle. L’ aquifère est majoritairement oxydant avec une limite redox marquée par une diminution de l’Uranium (U), à environ 40 km de l’ affleurement ».
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Coupe géologique et carte de localisation sur le secteur d’étude. Extrait de Celle-Jeanton et al., 2009. Les points de prélèvement correspondant aux GTI sont numérotés de 1 à 17.
Celle-Jeanton A., Huneau F., Travi Y., Edmunds WM. (2009)
- Coupe géologique et carte de localisation sur le secteur d’étude. Extrait de Celle-Jeanton et al., 2009. Les points de prélèvement correspondant aux GTI sont numérotés de 1 à 17.
Et pourquoi pas l’arsenic pour tracer les échanges entre nappes
Dans le cadre de l’actualisation par le
BRGM
du modèle de la
nappe
des GTI en Lorraine (Vaute et al., 2013), le recours à géochimie isotopique a été proposé en ciblant plus spécifiquement la
nappe
captive et sa zone d’alimentation dans périmètre du
SAGE
des GTI (10 points de
prélèvement
lors de la campagne de 2012 dont 8 sur les GTI et 2 sur les calcaires du Muschelkalk).
Il s’agissait pour les géochimistes d’apporter de nouvelles connaissances aux modélisateurs afin de lever certaines incertitudes concernant notamment :
- L’existence et la quantification de la drainance entre la nappe des GTI et celle des calcaires du Muschelkalk ;
- Le rôle de la faille de Vittel (hypothèse d’imperméabilité retenue pour la modélisation) ;
- Les vitesses d’écoulement depuis les zones de recharge (confrontation possible aux résultats de la modélisation).
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Localisation des points prélevés lors de la campagne de 2011 (1 point sur le périmètre du SAGE GTI et 3 hors périmètre) et 2012 (10 points sur le périmètre du SAGE GTI)
BRGM
- Localisation des points prélevés lors de la campagne de 2011 (1 point sur le périmètre du SAGE GTI et 3 hors périmètre) et 2012 (10 points sur le périmètre du SAGE GTI)
La plupart des eaux analysées ont un faciès globalement bicarbonaté – calcique (Relanges, Le Bon Pré) à calco-magnésien, avec parfois une tendance sulfatée (Bulgnéville). Les eaux, les plus minéralisées sont celles de Great Source (nettement sulfatée) et de Norroy (tendance chlorurée-sodique).
La minéralisation de l’eau de Norroy s’explique par une contamination par des saumures du même type que celles du centre du Bassin de Paris. Cet effet est visible également de façon plus limitée dans les eaux de Mirecourt et Valfroicourt. La minéralisation de l’eau de la Great Source a une origine différente, et provient de la dissolution de faciès évaporitiques (sulfates) présents dans les calcaires du Muschelkalk.
Les isotopes de la molécule d’eau (oxygène, hydrogène) montrent que l’origine des eaux est principalement météorique. Dans la plupart des cas, la recharge a lieu sous un climat tempéré, et est postérieure à la dernière glaciation. Seules les eaux de Norroy et Mirecourt indiquent une recharge sous un climat plus froid, probablement lors de la dernière glaciation.
Les isotopes du Strontium (Sr) et du Lithium (Li) mettent en évidence des processus de
drainance
des eaux de la
nappe
du Muschelkalk vers celle des GTI. Le pôle « contaminant » issu du Muschelkalk est, d’un point de vue géochimique et isotopique, bien contraint et probablement unique. Cependant, il ne correspond à aucune des deux eaux du Muschelkalk analysées dans cette étude (caractéristiques géochimiques des calcaires du Muschelkalk très diverses d’après la base
ADES
).
Les eaux de la nappe des GTI contiennent des quantités significatives d’Arsenic (As), alors que celles de la nappe du Muschelkalk en sont exemptes. En se basant sur les teneurs en As, des calculs d’estimation des taux de drainance ont été effectués. Ces derniers peuvent être importants près de la faille de Vittel, et même dépasser 50%. La valeur maximale se situe au niveau de Valleroy-le-sec. Il est possible que l’eau du Muschelkalk à Haréville puisse correspondre au pôle recherché. Cette hypothèse et ces calculs sont préliminaires et nécessitent des analyses complémentaires.
Les temps de résidence calculés d’après les analyses de carbone 14 confirment les résultats sur les isotopes de la molécule d’eau : les eaux des GTI ont des temps de résidence inférieurs ou égaux à 10 000 ans, donc postérieurs à la fin de la dernière glaciation, à l‘exception de celles de Mirecourt (15 000 ans environ) et de Norroy (autour de 30 000 ans). Les vitesses d’écoulement déduites se situent en moyenne entre 1.5 et 2 m/an au Sud de la faille de Vittel, sauf à sa terminaison Est (Valfroicourt) où les vitesses sont un peu plus élevées (entre 2.3 et 3.4 m/an). Au Nord de la faille, les vitesses estimées sont de 1.5 m/an environ pour Mirecourt, et de l’ordre de 1.3 m/an pour Norroy.
Une nouvelle campagne en 2024 pour approfondir les connaissances sur le périmètre du SAGE GTI
Dans le cadre de l’étude actuellement en cours pour l’Observatoire du SAGE GTI, porté par le Conseil Départemental des Vosges, le BRGM s’attache à mettre en œuvre courant 2024 une nouvelle campagne de prélèvement pour répondre aux perspectives soulevées par l’étude précédente (Vaute et al., 2013 ; Innocent, 2020 ; Innocent et al., 2021) avec deux axes de recherche :
- Une meilleure caractérisation des eaux des calcaires du Muschelkalk (pôle « contaminant ») d’un point de vue géochimique et isotopique permettrait de préciser et de valider la méthodologie d’identification et de quantification de la drainance basée sur les teneurs en arsenic voire d’autres éléments traces tels que le Sélénium (Se), Strontium (Sr, rapport Ca/Sr et isotopes) et le Lithium (Li et isotopes) ;
- L’étude des eaux météoriques et/ou liées aux sols dans le secteur d’étude et la mise en œuvre d’autres chronomètres caractéristiques des temps de résidence très courts (tels que le Tritium) permettraient d’apprécier plus précisément le temps de résidence apparent (et non pas le temps de résidence réel) de la composante « recharge » et de tester la validité et la cohérence des modèles de correction du carbone 14 utilisés.
Bibliographie
- Blavoux B., Olive P. (1979) - Étude isotopique de la nappe captive des GTI en Lorraine. AFBRM & SRAEL 18/09/1979.
- Blavoux B., Olive Ph. (1981) Radiocarbon dating of groundwater of the aquifer confined in the Lower Triassic sandstones of the Lorraine region, France. In : W. Back and R. Letolle (Guest-Editors), Symposium on Geochemistry of Groundwater - 26th International Geological Congress. J. Hydrol., 54 : 167-183. Stable-isotope and groundwater chemistry analyses on samples from about 40 boreholes
- Bosch B., Marcé A. (1974). Contribution à l’étude hydrogéologique du bassin de Vittel au moyen des techniques isotopiques. Rapport 74 SGN 289 NES. 36 p.
- Celle-Jeanton A., Huneau F., Travi Y., Edmunds WM. (2009) - Twenty years of groundwater evolution in the Triassic sandstone aquifer of Lorraine : Impacts on baseline water quality Hélène Celle-Jeanton a, Frédéric Huneau b, Yves Travi c, W.M. Edmunds d. Applied Geochemistry 24 (2009) 1198–1213. Received 21 November 2008 Accepted 9 March 2009 Available online 20 March 2009 Editorial handling by Dr. R. Fuge.
- Dewonck S. (2000) - Géochimie isotopique des gaz rares dans les roches sédimentaires et les eaux souterraines de l’est du bassin parisien : contribution aux transferts massiques intrabassinaux. Thèse réalisée sous la direction de Bernard Marty - Vandœuvre-lès-Nancy, INPL.
- Innocent C. (2020) - Etude géochimique et isotopique des eaux des grès du Trias inférieur de Lorraine - Rapport final . BRGM/RP-62693-FR, 41 p.
- Innocent C., Kloppmann W., Millot R., Vaute L. (2021) - A multi-isotopic study of the groundwaters from the Lower Triassic Sandstones aquifer of northeastern France : Groundwater origin, mixing and flowing velocity. Applied Geochemistry, 2021, 131, pp.105012.10.1016/j.apgeochem.2021.105012. hal-03745495.
- Marty B., Dewonck S., France Lanord C. (2003) Geochemical evidence for efficient aquifer isolation over geological timeframes Bernard Marty1,2, Sarah Dewonck1* & Christian France-Lanord1. NATURE |VOL 425 | 4 SEPTEMBER 2003. Received 27 February ; accepted 31 July 2003 ; doi:10.1038/nature01966.
- Rudolph J., Blavoux B., Dray M., Olive P. (1984) Utilisation des gaz rares pour la détermination des conditions climatiques lors de la recharge des nappes aquifères profondes. Cas des grès triasiques de Lorraine. In : Proc. 10th Réunion annuelle des sciences de la terre, Bordeaux, Soc. Geol. Fr. Edit. Paris, 490.
- Vaute L., Innocent C., Fourniguet G. (2013) – Actualisation du modèle hydrogéologique de la nappe des grès du Trias en Lorraine. Rapport BRGM/RP-62405-FR, 56 p., 20 fig, 4 tabl.
L’exploitation de la nappe des GTi et ses conséquences
Évolution des prélèvements d’eau et ses conséquences
La répartition des prélèvements pour l’alimentation en eau potable et industrielle par département dans l’intégralité de la partie captive de la nappe des GTi et dans sa partie libre au droit du bassin houiller lorrain pour l’année 2010 est résumée dans le tableau ci-dessous.
Département | Millions de m3/an | Pourcentage du total (en %) |
---|---|---|
Sarre (Allemagne) | 12,97 | 18,2 |
Moselle (57) | 48,38 | 68,0 |
Meurthe-et-Moselle (54) | 4,15 | 5,8 |
Vosges (88) | 5,70 | 8,0 |
Total | 71,2 | 100 |
L’évolution des volumes prélevés sur la période 1968-2010 est présentée sur le graphique qui suit.
-
Évolution de 1968 à 2010 du total des prélèvements effectués dans l’intégralité de la partie captive de la nappe des GTi, et dans sa partie libre au droit du bassin houiller lorrain (Rapport BRGM /RP-62405-FR)
© BRGM
- Évolution de 1968 à 2010 du total des prélèvements effectués dans l’intégralité de la partie captive de la nappe des GTi, et dans sa partie libre au droit du bassin houiller lorrain (Rapport BRGM /RP-62405-FR)
On constate que le volume total des prélèvements destinés à l’alimentation en eau potable ou industrielle, et des prélèvements nécessités par l’activité extractive des bassins miniers, a atteint en 1977 un maximum de près de 160 millions de m3. Le graphique ci-dessus indique que 86 millions de m3 correspondaient à « l’ exhaure minière » des exploitations françaises (très majoritairement) et allemandes.
Cette exhaure minière était liée jusqu’en 2006 à l’exploitation du charbon dans les mines situées sous les grès du Trias, qui a eu pour conséquence indésirable une baisse parfois très importante (plus de 100 mètres) du niveau de la nappe des GTi au droit du bassin houiller, baisse qui s’est étendue au fil des décennies à la moitié nord de la nappe captive sous la forme d’un très large cône de rabattement. En effet, les techniques d’exploitations minières mises en œuvre impliquaient le plus souvent l’effondrement volontaire des terrains exploités, dans le but de ne pas laisser de vide dans le sous-sol. Ces effondrements déstructuraient les couches sus-jacentes et permettaient à l’eau de la nappe des GTi de s’infiltrer dans les exploitations minières. Ainsi, au fur et à mesure du développement de l’exploitation du charbon, la quantité d’eau qui s’infiltrait dans les mines et qui devait être pompée pour maintenir les mines au sec a augmenté. L’eau « d’ exhaure minière » ainsi pompée était soit rejetée dans les cours d’eau soit utilisée pour l’alimentation en eau potable ou industrielle.
À partir du pic de prélèvements de 1977 visible sur le graphique, tandis que les prélèvements destinés à l’alimentation en eau potable et industrielle restaient stables en moyenne, la part des exhaures minières a diminué régulièrement en raison de la diminution du rythme de l’exploitation minière, jusqu’à s’annuler totalement après la fermeture des mines et l’arrêt des exhaures en 2006. Le volume total prélevé dans la nappe des grès du Trias inférieur était de 71,2 millions de m3 en 2010.
Entre 1968 et 2000, les niveaux piézométriques mesurés étaient en forte baisse presque partout dans la nappe captive : d’environ 30 cm/an au sud de la faille de Vittel ; de 90 cm/an à Mirecourt ; de 1,5 m/an en bordure du bassin houiller ; et même de plus de 2 m/an au droit de certaines exploitations minières du bassin houiller. Jusqu’à l’arrêt des exhaures minières, le volume total des prélèvements était très supérieur aux capacités naturelles de renouvellement de la nappe captive des grès du Trias inférieur, ce qui avait pour conséquence que le bilan de la nappe était déséquilibré.
Zone de répartition des eaux
Pour tenter de remédier à ce problème de surexploitation de la nappe des GTi, une zone de répartition des eaux (ZRE) a été mise en place dès les années 1980. L’arrêté préfectoral n°1529/2004 du 08/07/2004 de la région Lorraine fixe, pour le département des Vosges, les communes incluses dans une Zone de Répartition des Eaux, et les cotes du toit de la nappe correspondantes (si le forage n’atteint pas cette cote du toit de la nappe fixée pour chaque commune, il ne capte pas la nappe des GTi et le prélèvement ne relève pas de la réglementation ZRE). Dans la ZRE, les seuils d’autorisation ou de déclaration de prélèvements dans la nappe des GTi sont abaissés (cf. article législation) pour préserver la nappe des grès du Trias inférieur dans les cantons de Bulgnéville, Charmes, Darney, Dompaire, Lamarche, Mirecourt et Vittel où il existe une insuffisance pérenne de la ressource par rapport aux besoins.
Élaboration de deux Schémas d’Aménagement et de Gestion des Eaux ( SAGE )
Depuis l’arrêt des exhaures minières en 2006, la nappe des GTi se reconstitue lentement dans la région du bassin houiller et dans toute la partie nord de la nappe , qui verra ainsi son niveau remonter lentement dans les décennies qui viennent, si les prélèvements n’évoluent pas significativement. Un SAGE (Schéma d’Aménagement de Gestion des Eaux), approuvé le 27 octobre 2017, est dans sa phase de mise en œuvre dans le bassin houiller dans le but de définir une politique locale de l’eau, d’organiser et de planifier l’avenir du bassin en articulant protection des milieux aquatiques et aménagement du territoire.
Dans le secteur de Vittel et Contrexéville (partie extrême sud de la nappe , dans le département des Vosges), le contexte hydrogéologique local défavorable (faible alimentation de la nappe ) n’est pas compatible avec l’exploitation actuelle locale de la nappe . C’est pourquoi un SAGE est en cours d’élaboration dans ce secteur des Vosges, de manière à ce que les acteurs locaux du territoire puissent définir ensemble les mesures à prendre pour parvenir à équilibrer le bilan de la nappe sur leur territoire.
Le modèle régional de la nappe des grès du Trias inférieur (GTi) en Lorraine
En 1995, confrontées à ce problème de baisse continue des niveaux piézométriques de certains secteurs de la nappe des grès du Trias inférieur, la Région Lorraine, la DIREN Lorraine et l’Agence de l’eau Rhin-Meuse ont confié au BRGM la réalisation d’un modèle hydrogéologique de la nappe des grès du Trias inférieur. Après plusieurs phases successives de développement et d’amélioration, un modèle opérationnel a vu le jour en 2005 (Vaute et al., 2007).
Ce modèle hydrogéologique de la nappe des grès du Trias inférieur (GTi) a été développé par le BRGM avec le logiciel MARTHE, et concerne la nappe sur toute sa partie sous couverture et sur sa partie libre dans le bassin houiller. Le modèle est constitué d’une seule couche représentant toute la formation des GTi et est calé en régime transitoire sur la période 1976-2010 au pas de temps annuel.
Le modèle régional prend en compte la partie sous couverture du réservoir, ainsi que trois secteurs en partie libre ne pouvant pas être considérés séparément de la partie sous couverture du réservoir : les affleurements dans le bassin houiller (région de Saint-Avold – Forbach), les affleurements de la région de Phalsbourg – Saverne, et une petite partie des affleurements situés au sud de la région de Vittel – Contrexéville.
Le modèle a permis de mieux comprendre le fonctionnement de la nappe , de calculer le solde entrées d’eau / sorties d’eau pour l’ensemble de la nappe et pour chaque secteur, et de faire des prévisions d’évolution selon différents scénarios. Il a été mis à jour en 2012 (Vaute et al. , 2013) dans le cadre de l’élaboration du SAGE de la nappe des GTi dans le département des Vosges.
Bibliographie
- Babot Y., Mangold C., Simler L. (1972) – Étude hydrogéologique de la nappe aquifère des grès infratriasiques dans le nord-est de la France. Rapport BRGM/72-SGN-047-SGAL. 63 p., 6 ann. ht.
- Babot.Y., Chevalier.J. (1991) - Étude de la délimitation des zones salées de la nappe des grès du Trias inférieur dans l’est mosellan par modélisation hydrochimique. Rapport BRGM/RR-32004-FR. 38 p. 20 pht., 18 cartes.
- Noël Y. (1997) - Modèle de gestion de la nappe des grès du Trias inférieur en Lorraine. Phase 1 : acquisition des données. Rapport BRGM/RR-39228-FR. 217 p. 2 vol., 6 pht.
- Vaute L. (1999) - Zone de répartition des eaux de la nappe des grès du Trias inférieur en Lorraine. Rapport BRGM/RR-40604-FR. 61 p. 1 pht.
- Vaute L., Gigleux S., Nguyen-Thé D. (2007) – Eaux souterraines du département des Vosges : caractérisation des principales ressources exploitables et révision du modèle de gestion de la nappe des grès du Trias inférieur. Rapport BRGM/RP-55653-FR, 145 p., 62 fig., 9 tabl., 3 ann.
- Vaute L., Innocent C., Fourniguet G. (2013) – Actualisation du modèle hydrogéologique de la nappe des grès du Trias en Lorraine. Rapport BRGM/RP-62405-FR, 56 p., 20 fig, 4 tabl.
- Site internet du SAGE de la nappe des grès du Trias
- Site internet du SAGE du bassin houiller lorrain