B15A1 - Île Madame

Géologie

• Au niveau de la Passe aux Filles et en continuant vers le Nord (point orange) :

Sur la falaise qui mesure entre 5 et 6 mètres de hauteur, l’unité C1 marque le début du Cénomanien moyen. Elle est caractérisée par des calcaires plus ou moins bioturbés, et est surmontée par environ 2 m de calcaires marneux, également bioturbés, grisâtres à débris d’organismes variés (unité C2), puis par 3 m de calcaires blancs, jaunâtres (unité C3), à ciment calcaire relativement fin (micrite). Le passage des calcaires gris aux blancs se fait par une surface bien marquée dont la structure noduleuse est due à une intense bioturbation.

Les unités C1 et C2 renferment de nombreux échinodermes, lamellibranches, brachiopodes, rudistes (en particulier Ichthyosarcolites triangularis), foraminifères.

Géologie

• Un peu plus loin vers l’ouest sur la plage à partir de la passe aux Filles (point bleu),

On observe le passage des calcaires blancs à jaunâtres de l’unité C3, à des calcaires jaunes bioclastiques et graveleux, en bancs minces bien lités (unité C4), présentant de nombreux terriers verticaux, par l’intermédiaire d’une discontinuité bien marquée.
Les unités C3 et C4 sont caractérisées par des édifices récifaux. On y trouve des spongiaires, des débris de polypiers coloniaux, de bryozoaires et de rudistes. La micro faune est aussi très présente avec en particulier des alvéolinidés.

La couche C4 est surmontée de l’unité D, à granulométrie plus fine apparentée à un calcaire marneux. La limite entre les deux unités est marquée par une discontinuité témoignant d’une augmentation brutale du niveau marin, indiquant également le début du Cénomanien supérieur.

Cette unité D est pauvre en macro faune, à l’exception des huîtres, de quelques rudistes et des oursins (spatangues). La micro faune se renouvelle, par rapport à l’unité précédente, avec la disparition des alvéolinidés et l’abondance des ostracodes (petits arthropodes à pattes et antennes renfermées dans une carapace). Enfin et surtout, quelques céphalopodes (nautiles) y ont été trouvés.

L’épaisse couche surplombant l’affleurement n’est pas structurée. Elle est constituée d’une argile sableuse ocre-roux contenant des galets de taille centimétrique. Compte tenu de la présence de galets roulés, parfois plus légèrement émoussés, mais sans figure sédimentaire associée, cette couche pourrait correspondre à des colluvions (dépôts de pente), remaniant les alluvions du Quaternaire qui sont cartographiés au niveau du plateau situé au-dessus de la falaise.

Géologie

• Sur l’affleurement situé en face du Puits des Insurgés,

On retrouve les calcaires marneux de l’unité D. On y observe une variation colorimétrique de cette unité D qui passe d’une couleur jaunâtre/ocre à une teinte bleu-gris. Ce changement de couleur pourrait se traduire par des zones plus confinées et réductrices au moment des dépôts.

La succession des dépôts se poursuit ensuite avec :
- Une couche de sables plus ou moins indurée, avec plusieurs niveaux lumachelliques essentiellement à Pycnodontes (unité E)

- Des calcaires micritiques gréseux, blanc-jaunâtre (unité F). Ce dernier niveau renferme une faune abondante en Ichtyosarcolites, également quelques Gastéropodes et Bryozoaires.

Paléoenvironnement

Le Cénomanien marque le début d’un nouveau cycle transgressif après une longue période d’émersion (50 Ma) au Crétacé inférieur. On observe d’ailleurs l’approfondissement marine à travers les différents faciès rencontrés à l’île Madame : au Cénomanien inférieur (strate B3) la sédimentation détritique domine attestant de la proximité du continent et ainsi de la faible tranche d’eau ; le Cénomanien moyen (strates C) est constitué de faciès carbonatés et marneux caractéristique d’un environnement plus profond, confirmé notamment avec l’apparition des céphalopodes, fossiles de faciès.

De brutales régressions, très courtes, existent durant cette grande transgression cénomano-turonienne expliquant la présence de hardgrounds sur les séquences du Cénomanien inférieur. Il est également probable qu’il y ait eu une faible régression au Cénomanien supérieur, à l’origine des dépôts détritiques. Les inter-lits marneux correspondent à des Surfaces d’Inondations Maximales (S.I.M.), marquant le niveau maximum atteint par la montée des eaux avant une nouvelle baisse du niveau marin. Elles sont l’expression de milieux plus distaux.

Hydrogéologie

Les calcaires et sables sont des formations poreuses dans lesquels l’eau s’écoule facilement, à contrario, les marnes et argiles constituent des niveaux plutôt imperméables. L’hétérogénéité lithologique des formations Cénomanienne induit la formation de plusieurs aquifères interconnectés ou non, formant l’aquifère multicouche du Cénomanien.
Le Cénomanien est ainsi caractérisé par deux aquifères distinguables par leur lithologie :

• Des alternances de sables et argiles composent l’aquifère de l’infra-Cénomanien, dépôts antérieurs aux formations visibles à l’île Madame. Sa lithologie sableuse lui permet de pouvoir emmagasiner d’importantes quantités d’eau. Des bancs marneux l’isolent de l’aquifère du Cénomanien calcaire.
  o L’infra-Cénomanien n’est pas visible à l’ile Madame, ses dépôts sont très localisés en Charente-Maritime, il affleure surtout aux alentours de l’anticlinal de Jonzac.

• Les formations géologiques visibles à l’île Madame correspondent à l’aquifère multicouche calcaire du Cénomanien. Les réservoirs du Cénomanien inférieur (unité B), moyen (unités C) et supérieur (unités D à G), présentent des caractéristiques hydrodynamiques légèrement différentes.

Les calcaires du Cénomanien inférieur ne sont pas considérés comme étant de bons aquifères du fait de leur faible transmissivité et de leur emmagasinement médiocre. Ils sont surmontés par les formations calcaires du Cénomanien moyen correspondant à l’aquifère principal de cet étage. Sa porosité de fissure assez développée lui confère une bonne capacité de réservoir. Enfin, l’aquifère du Cénomanien supérieur surplombe l’ensemble. Il est séparé localement des deux formations Cénomanienne par le niveau marneux (unité D) considéré comme semi-perméable. L’importante épaisseur de l’aquifère multicouche du Cénomanien, 100 m en moyenne en Charente-Maritime, combiné à sa porosité, lui confère de bonnes propriétés de stockage.

L’emmagasinement caractérise la capacité d’un aquifère à stocker l’eau et la transmissivité correspond à sa capacité à permettre le déplacement de l’eau. Les marnes et argiles ont une granulométrie fine, ils sont majoritairement composés de micropores alors que les calcaires, grès et sables contiennent une plus grande proportion de macropores. Les macropores sont plus conducteurs que les micropores expliquant la faible conductivité des argiles par rapport aux calcaires.

Plusieurs sources sont également visibles sur l’affleurement au niveau de la Passe aux filles. Elles sont les témoins de la jonction entre un niveau imperméable (partie basale) et un niveau aquifère (partie sommitale). Le niveau imperméable constitue un obstacle à l’écoulement vertical de l’eau, ainsi elle migre latéralement et crée l’émergence de la nappe.

La nappe contenue dans cet aquifère est considérée comme libre, à l’île Madame, puisqu’elle n’est pas confinée par un niveau imperméable. La présence d’algues le long des sources sur l’affleurement de la Passe aux filles atteste de la vulnérabilité aux pollutions de cette nappe libre. Pour se développer, les algues ont besoin de nutriments, ils ne sont pas présents naturellement dans les roches, ce qui prouve que la nappe est sujette à une pollution.
Les nappes libres s’écoulent suivant la topographie, des points hauts vers les points bas.